Dans une note administrative datée du 30 octobre 2024, le doyen de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines de l’Université d’Ebolowa a émis une directive surprenante qui soulève des questions sur l’autonomie académique. Le document, portant le numéro 1.//0465/L, ordonne la présence obligatoire de tout le personnel à la projection d’un film documentaire sur Paul Biya, prévue le 2 novembre 2024 au stade de Nko’ovos.
Cette note du doyen exigeant la présence obligatoire de tout le personnel à la projection d’un film documentaire sur Paul Biya est placardée sur le tableau d’affichage apprend-Aukmer. Elle préoccupe enseignants et étudiants, ” J’ai d’abord pensé que c’est une blague ” s’exclame sous anonymat un enseignant de langues joint par AUKMER ce vendredi soir, après avoir lu la directive du doyen exigeant la présence obligatoire de tout le personnel à la projection d’un film documentaire sur Paul Biya.
« Ce qui me choque le plus, c’est qu’on instrumentalise l’institution universitaire à des fins politiques. Nous sommes des enseignants-chercheurs, pas des militants politiques. Cette confusion des genres est dangereuse pour l’avenir de notre jeunesse », confie l’enseignant qui a fortement requis l’anonymat.
« Je suis chercheur, pas figurant », lance-t-il avec amertume. « On nous convoque comme des écoliers pour regarder un film, avec liste de présence à la clé. Où va l’université camerounaise ? » S’interroge-t-il.
Sur les réseaux sociaux, la nouvelle fait l’effet d’une traînée de poudre. Les réactions fusent. Un internaute camerounais tweete : « Ebolowa 2024 ou Pyongyang ? Même dans le fief présidentiel, on force les intellectuels à regarder un film de propagande. La tragédie de Bamenda n’a donc servi de leçon à personne ? »
Une dame qui se présente comme chargée de cours en sciences sociales, partage son désarroi : « L’université est censée être un sanctuaire de la pensée critique. Aujourd’hui, on nous menace à peine voilement avec cette liste qui sera transmise au recteur. C’est du jamais vu», peut-on lire.
Sur WhatsApp, dans leurs groupes, des étudiants s’enflamment, « Si même nos profs sont contraints d’aller voir ce film, quelle liberté nous reste-t-il ? » s’interroge un leader estudiantin. Un autre ajoute, « On nous parle de démocratie depuis les années 90, mais les actes racontent une autre histoire. »
L’ironie de la situation n’échappe à personne : Ebolowa, considérée comme un bastion traditionnel du pouvoir, devient le théâtre d’une projection forcée. « Si même ici on doit contraindre les gens à venir voir le film, cela en dit long sur la situation », commente un internaute sur Facebook.
Selon de nombreux étudiants, le malaise est palpable sur le campus d’Ebolowa et dans les bureaux administratifs.
« Nous appliquons les directives », aurait murmuré une secrétaire à un étudiant. « Mais franchement, forcer des universitaires à assister à une projection, avec menace de liste transmise à la hiérarchie, ça fait réfléchir sur l’état de nos libertés. »
Sur Twitter, les commentaires condamnant cette contrainte, gagnent en popularité. Un internaute résume le sentiment général : « 40 ans de pouvoir, et on en est encore à forcer les gens à regarder un film sur les ‘prouesses’ accomplies ? Si ces réalisations étaient si évidentes, les gens se précipiteraient d’eux-mêmes pour les voir. »
La communauté universitaire s’inquiète également des conséquences à long terme. « Quel message envoyons-nous à nos étudiants ? » a poursuivi le professeur chercheur toujours sous couvert d’anonymat. « Nous leur enseignons l’esprit critique, la liberté de pensée, et voilà que nous devons nous-mêmes nous soumettre à une obligation de propagande ».
Cette présence obligatoire soulève des questions sur le respect de la liberté des enseignants et étudiants dans les universités camerounaises. Alors que l’université devrait être un espace de débat et de réflexion critique, elle semble devenir, selon certains observateurs, un instrument de promotion politique. Une transformation qui inquiète autant qu’elle interpelle sur l’avenir de l’enseignement supérieur au Cameroun.
En attendant, les enseignants de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines d’Ebolowa attendent avec appréhension le 2 novembre, date de la projection obligatoire au stade de Nko’ovos. Une date qui risque de marquer un précédent préoccupant dans l’histoire de l’université camerounaise.
Arou